Retour de lecture pour : Dans les veines, Morgane Caussarieu

Certains de mes retours de lecture peuvent présenter des éléments d’intrigues.


Retour de lecture : 

Premier livre dans le cadre du PIF 2020, ce premier roman de Caussarieu m’avait été conseillé l’année dernière dans le groupe du PIF 2019 et quelle découverte !

Caussarieu magne la plume avec un indéniable talent. Dès la première page, l’écriture est habitée d’une certaine résignation, une langueur triste et morne qui nous happe lentement, ligne après ligne, vers le bord d’un abîme que l’on devine mais auquel on ne résiste pas… C’est là le talent de l’autrice…

Le lecteur s’immerge dans ce roman grâce à une écriture définitivement sensorielle.  Les personnages humains transpirent le regret de vie non accomplies, des vies habitées par les chimères d’une idéal non rencontré, ils sont rattrapés par la sombre réalité crue et décharnée, avilie et dépravée, ils ne sont plus que des pantins dont la vie ne réside plus que dans la palpitation de leur veine et les quelques soubresauts occasionnés par de brèves mais violentes montées d’adrénaline et d’excitation face au danger.

Âmes sensibles s’abstenir, on est sur du dérangeant, on écume les bas-fonds des désirs et des perversions, cela peut choquer le lecteur non averti ou trop sensible, les scènes sont décrites de façon explicite donc si vous craignez la violence, le viol, l’inceste, etc., passez votre chemin…

Ses veines fourmillaient de sang neuf, le picotement orgasmique courait sous sa peau. La sensation  du toucher revenait dans ses doigts engourdis par le froid. Il était vivant à nouveau.
De chair et surtout de sang.

Les avertis quant à eux pourront apprécier la réalité et sa violence dans cette écriture addictive. On baigne dans un esthétisme bestial de l’immoralité où c’est à la discrétion du lecteur de juger qui des humains ou des vampires sont le plus bestiaux…

Des vampires redevenus bêtes dans ce roman, loin de l’image angélique que certains auteurs leur donnent parfois, c’est un plaisir de retrouver cette aura terrifiante et pourtant envoûtante dans un mythe qui retrouve ici son essence première. L’auteur en joue, en use et en abuse parfois, mais assume de proposer un retour au mythe original. Le personnage de Damian d’ailleurs n’est pas sans rappeler le Comte Dracula de Stocker enfermé dans cette immortalité emprunte tout à la fois de bestialité et de froideur mais aussi de langueur et de nostalgie pour son grand amour perdu…

Elle enleva ses mains de son nez et huma le parfum de la mort à pleines narines. Une fragrance abominable de merde et de pourriture ! Au risque de contredire Baudelaire, elle ne trouvait aucune beauté, aucun romantisme à cette charogne infâme.

Dans ce roman, le lecteur devient voyeur contre son gré mais ne peut se détacher de ses lignes voulant, toujours plus, savoir où l’autrice souhaite l’emmener… et c’est peut-être là que j’ai l’un des seuls bémols, il y a énormément de descriptions et, j’adore ça, mais il y une trame que j’aurai aimé un peu plus élaborée avec un peu plus de rebondissements ou de complexité… Ce n’est pas un mal en soi, cela sert l’intrigue dans cette impression de lente agonie fatale et irrémédiable mais une fois le livre fermé j’ai eu l’impression de ne pas avoir lu tout ce qu’il y avait à lire…

Autre petit bémol, le personnage de Lily est trop tiède à mon goût, trop à tourner en rond dans son bocal… Son flirt avec la mort perd de sa sublime et de sa profondeur et donc de son réalisme… mais je chipote, je vous l’accorde… Tous les autres personnages incarnent l’authenticité de l’horreur tant quotidienne que fantastique à la perfection…

Foutre, larmes, sueur et sang… Tu avales tout ce qui coule, tu le digères, un cycle sans fin… Tu te plies à la mécanique du fluide.. L’organique gouverne ta vie.
L’instinct de se nourrir était si puissant qu’il n’y avait de place pour rien d’autre. Tu es une créature effroyablement primaire et simpliste ! Et tu resteras ainsi pour l’éternité…
Le monde était réduit à un suintement poisseux et sanglant.
Plus aucun espoir, pas de lumière possible au bout du tunnel, tu ne la supporterais pas. Que des regrets.

D’ailleurs en parlant de personnage, mention spéciale à Gabriel, ce n’est plus rare maintenant d’avoir, en littérature autant que dans le cinéma, l’enfant maléfique par essence mais c’est toujours aussi diablement efficace….

En conclusion, un roman hardcore, un mythe du vampire qui retrouve sa violence et sa brutalité, une belle découverte, j’ai hâte de lire les autres romans de cette autrice.

Ma note finale est donc de 16/20

Disponible ici
Mon retour de lecture pour la suite : Je suis ton Ombre

Pour aller plus loin…

4e de couv. : La nuit, Bordeaux a peur. Tandis que l’on repêche des cadavres exsangues dans la Garonne, des filles perdues poussent leurs derniers soupirs au son du Bathory, nouveau repaire de la faune interlope. Le lieutenant Baron suit la trace de tueurs dégénérés avides de sexe, de drogue et de rock’n’roll, bien décidés à saigner la cité girondine. Et alors que l’investigation piétine, sa propre fille s’entiche de l’inquiétant Damian, gueule d’ange mais soif insatiable…
D’une méticulosité jouissive, l’écriture de Morgane Caussarieu tord le cou aux clichés bit-lit pour mieux revenir à l’essence première du vampire : un être amoral, violent, à l’érotisme déviant. Parce que les gentils vampires, ça n’existe pas…


L’ autrice : Morgane Caussarieu casse les codes de la Bit-lit avec son premier roman Dans les veines. Aussi essayiste et traductrice, cette punkette de 27 ans a obtenu le prix Bob Morane pour Je suis ton ombre, second volet de sa saga aux longues dents, amorcée avec Dans les veines.


Des lectures similaires ? Je vous propose :

Le miroir aux vampires de Fabien Clavel

Le secret de l’immortelle de Alma Katsu

Le Sang d’immortalité de Barbara Hambly

 

 

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