Retour de lecture pour : La Crécerelle, Patrick Moran

Certains de mes retours de lecture peuvent présenter des éléments d’intrigues.


Retour de lecture : 

Deuxième livre dans le cadre du PIF 2020,

J’ai acheté ce livre un peu en catastrophe en apprenant que j’allais recevoir le tome II en masse critique, bien qu’il était indiqué qu’on pouvait le lire indépendamment, ma curiosité ne m’aurait pas laissé en paix si je n’avais pas lu d’abord ce tome…

Maintenant que c’est chose faite, je dois dire que j’ai eu du mal à rentrer dedans , je pense avec le recul que cela vient de ce que j’ai l’habitude de pratiquer une lecture empathique, or, l’héroïne, qui est en fait une anti-héroïne, n’est ni aimable, ni détestable. Il est donc difficile de ne pas rester froid et distant en tant que lecteur…

Il se peut que cela soit une volonté de l’auteur car page 78, la crécerelle dit à la Tétragyne qu’elle se fiche qu’elle l’aime ou qu’elle la déteste et j’aurai tendance à croire que cette phrase est la clé de décryptage de ce roman… Je me trompe peut-être mais je pense que c’est ainsi que l’a pensé son auteur…

« Si la Crécerelle avait été un homme, sa légende serait-elle aussi noire ? Notre culture aime les tueurs et les brigands, du moment qu’ils sont charismatiques. Son premier défaut, ce fut son sexe : l’imaginaire fit d’elle une sorcière, une dévoreuse. Mais son deuxième, c’était sa haine du monde. Elle a toujours refusé de participer à la construction de son propre personnage. Un héros, ce n’est rien qu’un tueur qui soigne son image.

La relation de haine et, pourtant, de dépendance entre les deux héroïnes est intéressante, avec une Crécerelle qui au contacte de Mémoire se ré-humanise et une Mémoire qui, quant à elle, apprend à s’endurcir puis à appréhender et comprendre l’inacceptable et l’incompréhensible… Ce duo et sa relation est pour moi tout ce qui fait l’intérêt de ce roman.

L’écriture est agréable mais le vocabulaire parfois trop recherché par rapport à l’ensemble de l’écriture a tendance à paraître trop artificiel… Cela étant, le style de l’auteur reste plaisant.

Les têtes de chapitres sous forme de citations d’ouvrages tirés de l’univers du roman sont un plus, ils offrent une foultitude d’éléments au lecteur que ce soit sur les tribus, l’héroïne ou l’univers. C’est un biais de construction très intéressant dans un roman car il permet d’apporter de nombreuses informations sans alourdir la narration…

Au niveau de la temporalité du roman, on assiste à une accélération du rythme dans le dernier tiers, ce dernier passe donc tout seul, mais il faut bien que je vous avoue avoir trouver le temps particulièrement long au début. Le récit, certes, justifie cette espèce de suspension temporelle pour nous présenter personnages, contexte et univers mais cela reste laborieux de passer à travers, j’ai même songé arrêter ma lecture, la fin me confirme que j’ai bien fait de la poursuivre mais ce ne fut pas sans mal…

Les ères passent et, à l’échelle géologique, toute régularité disparaît ; les habitudes et les rythmes qui paraissent naturels sont réduits à néant, et seul compte l’effritement universel qui mène les choses à leur fin – puis tout recommence. Voilà la seule régularité : le flux et le reflux de l’ordre et du désordre, comme une mer cosmique qui bouleverse les cartes quand on s’y attend le moins et ramène à la poussière les grandeurs qu’on se construit pour oublier ce qu’on est. Aux yeux de l’univers, l’humanité n’est rien, une anomalie générée par une machine aveugle et sourde ; quant à l’univers lui-même, il n’est qu’une anomalie à son tour, créée par erreur ou par jeu par un outre-monde dont la nature ne saurait être contemplée.

Par contre, je suis très dubitative quant au commentaire de la quatrième de couverture  » La Crécerelle est un premier roman détonnant, à l’héroïne exceptionnelle et à la mécanique implacable, qui renverse les clichés du genre en proposant un mélange inventif d’action, de mystère et d’horreur »... Ayant souvent reposé le livre par lassitude mes yeux se posaient sans cesse sur ce commentaire qui est loin de rendre compte de la réalité… Une héroïne exceptionnelle… elle est intéressante pour de nombreuses raisons mais, exceptionnelle, non pas vraiment… « qui renverse les clichés du genre » et bien pas vraiment non plus, la mécanique de création d’univers est plutôt commune à de nombreux romans du genre où une entité d’outre-monde, d’enfer, ou peu importe, manipule un humain et veut s’incarner…. C’est même, rappelons-le, le fond de commerce de grands noms du genre…

Quant au mélange inventif et bien on peut dire sans trop se mouiller que huit livres sur dix peuvent se targuer d’être un mélange inventif.

Alors, attention, je ne critique en aucun cas les qualités réelles de ce roman, j’estime que cet auteur est un auteur à suivre car je pense qu’avec de la maturité ses futurs romans peuvent devenir remarquables… Cependant, il faut être prudent quand on écrit ce genre de chose sur un livre, le lecteur a le droit de tenir ces mots pour acquis et c’est hélas la déception pour qui ne trouve pas ce qu’il attendait…

Un jour, nous aurons épuisé les ressources, et nous disparaîtrons dans notre propre souffrance.

Pour conclure, Moran signe ici un roman sympathique qui mérite d’être lu jusqu’au bout, sa qualité première est son duo d’héroïnes très intéressant pour les liens psychologiques et émotionnels qu’elles entretiennent. Le reste est sympathique mais sans réelle originalité pour qui connaît les classiques du genre mais l’univers présenté se tient et offre un beau contexte au récit …

Ma note finale est donc de 12/20

Et pour ceux que cela intéresse vous pouvez écouter l’auteur dans une interview réalisée lors des Imaginales de 2018

Disponible ici
Mon retour de lecture pour la suite : Les six Cauchemars

Pour aller plus loin…

4e de couv. : La Crécerelle a le goût du sang. Mais qui sait pourquoi elle tue ? Pour l’argent, pour le plaisir, ou bien pour servir les puissances de l’outre-monde ?
Femme du Sud dans les terres du Nord, experte des arts magiques dans une contrée qui les méprise, la Crécerelle parcourt les cités-États du désert, semant violence et mort sur son passage. Une question demeure… combien de temps encore pourra-t-elle supporter cette vie d’atrocités ?
C’est justement en cherchant à se libérer de l’entité maléfique qui contrôle sa vie, qu’elle va déclencher une série d’événements d’ampleur cataclysmique. Une spirale infernale dont, cette fois, elle ne pourra pas se sortir seule.

La Crécerelle est un premier roman détonnant, à l’héroïne exceptionnelle et à la mécanique implacable, qui renverse les clichés du genre en proposant un mélange inventif d’action, de mystère et d’horreur.


L’ auteur : Patrick Moran est né à Londres en 1981 et a grandi entre la Grande-Bretagne, Hong Kong, la Californie et la France. Universitaire et spécialiste de littérature médiévale, ses recherches portent sur l’imaginaire arthurien, les univers de fiction et l’écriture cyclique.


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