Retour de lecture pour : Yué, Rosalie Gross et Dorian Nguyen Phu
Certains de mes retours de lecture peuvent présenter des éléments d’intrigues.
Retour de lecture :
Tout d’abord, je remercie chaleureusement Babelio et les Editions Antipodes qui m’ont fait confiance en m’envoyant ce livre contre une critique libre et non rémunérée.
Ce conte fait partie de la collection Petitpodes et sa lecture est conseillée à partir de 6 ans.
Parlons d’abord du livre objet, on a ici un beau bijou. Le grand format permet d’offrir un espace important tout à la fois aux textes et aux illustrations, la couverture satinée et douce donne envie de toucher le livre et le papier, mat et épais, est superbe en plus d’assurer une robustesse certaine à la manipulation.
Les illustrations, de type aquarelles, sont belles, douces et contribuent à l’effet nature de cet album, ce qui sert bien entendu le propos de l’histoire. La mise en page à l’intérieur est efficace, l’espace illustratif et le texte valsent avec harmonie, l’un cédant la priorité à l’autre et vice et versa au fil des pages. Avant même de l’avoir lu, cet album m’a fait un effet rafraîchissant, un peu comme les gouttes d’une brève averse d’été… Et bien à la lecture, j’ai eu le même ressenti…
Je connais ceux qui te ressemblent. Parfois certains d’entre eux arrivent jusqu’ici et passent devant moi les yeux rivés sur leurs pieds, comme sourds au chant des oiseaux et aux chuchotements des arbres. D’autres s’asseyent, comme toi, entre mes racines pour se reposer. Et ils me parlent. Ils voient la nature et la reconnaissent comme une mère et la remercient pour sa générosité. Mais ils souffrent, car leurs semblables ne ressentent pas, comme eux, la vie qui se déploie en tout. Ils sont seuls. Ils viennent alors trouver refuge sous mes branches. Et comme ils sont un bout de moi et que je suis un bout d’eux, je souffre de leur mélancolie et ne les aime que plus. Car apprends ceci, mon cher enfant : les Hommes ont oublié d’où ils venaient.
L’écriture est assez poétique et recherchée, ce sera l’occasion d’apprendre un peu de vocabulaire lors de la lecture. L’histoire de Yué, jeune enfant adopté par la nature, qui part à la recherche de ses semblables n’est ni plus ni moins qu’un parcours initiatique modèle enfant. Chacune des rencontres qu’il fait et des séparations dont il décide, le construisent et lui apportent des réponses dans sa quête d’identité.
Les concepts abordés sont vraiment très intéressants à présenter à des enfants, on y trouve la quête de l’identité, qu’est-ce que c’est que d’être un humain ? Et qu’est-ce que c’est que d’être un individu dans le groupe et en dehors du groupe ? Il y a bien sûr aussi cette identité au sein de l’univers du vivant, la relation à la nature et aux animaux qui imprègne tout le récit…
Des concept comme l’écoute, l’observation, le langage et, par extension la communication, sont présents, il me semble qu’il serait opportun de les développer avec les jeunes lecteurs. Il serait également plus qu’intéressant d’aborder le thème de la solitude et de la différence avec les enfants après lecture car le petit héros se prête à aborder ces sujets. Et ce ne sont là que les plus évidentes mais si on souhaite creuser d’autres thématiques sont abordables telles que les cycles de vie, la tristesse, la séparation, la peur, tout ce qui est lié à la nature (arbre, plantes, saisons, jardinage, animaux), etc., etc.
Je dois bien avoué que je suis conquise par cet album autant par son esthétique travaillée que par le récit de type initiatique qui soulève de nombreux sujets de réflexion potentiels. Je pense que les adultes ne peuvent que rebondir sur les concepts abordés aussi bien dans un cadre pédagogique que plus simplement parental.
– Tu sais, il ne faut pas leur en vouloir, lui répondit le vieillard. A force de chercher un sens à leur vie, ils ont oublié qu’elle se déployait tout autour d’eux. Ils se sont persuadés qu’ils n’avaient besoin de rien d’autre, qu’il leur suffisait de parler pour être entendu.
-Et c’est pour ça qu’ils ne me comprennent pas ?
– Je crois, oui. La forêt t’a appris à observer ce qui t’entoure mais, ici, tout est différent, il est difficile de prendre le temps d’écouter.
Pour conclure, un bien bel ouvrage, aux illustrations douces et inspirantes, une mise en page soignée et respectueuse de l’esthétique globale de l’album. Le conte en lui-même est conçu de façon très intelligente et pédagogique avec de nombreuses pistes de réflexion à aborder avec les enfants autour de la nature, du développement personnel, de la philosophie, parfait donc pour commencer à aider l’enfant à se construire en tant qu’individu et dans son appartenance au monde. Un joli cadeau à faire, il vaut très largement son prix. Je salue le travail des deux auteurs et de la maison d’édition pour le soin et le beau travail réalisé sur cet ouvrage. Je le recommande chaudement.
C’est pour moi un coup de coeur

Pour aller plus loin…
4e de couv. : Un enfant naît au coeur de la forêt, il est appelé Yué comme le chant du loup à la Lune. Entouré par la nature, il apprend à vivre libre et autonome. Seulement, personne ici ne lui ressemble. Au printemps, observant les petits des animaux, l’enfant s’interroge sur ses origines. Qui est-il, lui qui n’a ni plumes ni poils pour le protéger du froid ?? Pourquoi est-il mieux debout sur ses deux pieds qu’à quatre pattes ?? Avec son amie Cécile, une demoiselle rouge-gorge, il part à la recherche de ses semblables. En chemin, ils croisent plusieurs personnages. Chacune de ces rencontres mène Yué sur les traces de son identité. Ce livre invite enfants et parents à prendre le temps d’une réflexion sur leur lien à la nature. Au-delà de toute volonté moralisatrice, le héros nous amène à penser l’humain à l’intérieur d’un système global, sensible et équilibré. Nourri de la faune et de la flore suisse, ce livre cherche à valoriser l’environnement direct du lecteur, le temps de faire une pause et de s’attarder quelques instants sur le monde qui nous entoure.
A partir de 6 ans.
Les auteurs :
– Rosalie Gross : Originaire de Suisse, Rosalie Gross est une artiste et une illustratrice autodidacte.
En 2019, elle débute une formation à la Haute Ecole Pédagogique de Lausanne.
Elle ne cesse de développer en parallèle son art notamment avec des activités associatives dans l’univers de la culture locale, des arts vivants et de la décroissance.
Elle est l’illustratrice du livre album Yué, qu’elle a réalisée en collaboration avec Dorian Nguyen Phu
– Dorian Nguyen Phu : Originaire de Genève, Dorian Nguyen Phu est vidéaste et scénariste.
Artiste pluriel il souhaite mettre son art au service de l’humain que ce soit dans des créations collectives ou bien individuelles.
Il est notamment le co-auteur du livre album Yué à destination des enfants de 6 ans et plus.
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– L’oiseau de feu, A. Gouverneur et E. Herbette