Faut que je vous parle de cette série, je n’avais pas eu un tel coup de coeur depuis… Penny Dreadful, entre temps bien sûr j’ai vu de très belles séries, bien construites, intéressantes, que j’ai beaucoup aimé mais une à tiroirs qui me donne envie de finir ma journée rapidement pour regarder la suite… ça faisait un sacré bail…

It’s OK not to be OK ou encore Psycho But It’s Okay est une série coréenne imprégnée d’une touche burtonnienne qui souffle un vent rafraîchissant sur Netflix. Elle se décompose en 16 épisodes d’environ 70 minutes. Elle a été écrite par Jo Yong, dirigée par Park Shin-woo et produite par Studio Dragon.

Résumé : Moon Gang Tae, un aide-soignant dans un service psychiatrique, est un homme qui a été béni avec tout, y compris un grand corps, l’intelligence, la capacité de sympathiser avec les autres, la patience, la capacité de réagir rapidement, l’endurance et plus encore. Il a un frère aîné autiste qui a huit ans de plus que lui et dont il s’occupe très bien.
Il va faire la connaissance d’une femme, auteure de contes souffrant d’un trouble de la personnalité.
Un homme qui nie l’amour et une femme qui ne connaît pas l’amour défient le destin et tombent amoureux, trouvant leurs âmes et leurs identités dans le processus.


Le titre est la première chose qui m’a attiré mais quelle belle découverte !
L’esthétisme dépasse l’image grâce au personnage principal, elle amène l’étrange, le non conventionnel, une forme de folie et une touche de fantastique creepy à souhait. L’aspect « conte », aux dessins animés, termine le cadre, l’image policée qui joue sur les contrastes est travaillée d’un bout à l’autre de la série avec plus ou moins de tension en fonction des épisodes. Une légère touche surnaturelle imprègne la série. On pourrait s’attendre à la voir plus présente avec le côté burtonien marqué dès les premiers épisodes mais le réalisateur s’en sert comme déclencheur psychologique et émotionnel, ce qui ne rend le tout que plus saisissant. Le réalisateur nous emmène, nous lâche la main, nous perd, nous retrouve dans les méandres émotionnels de chaque situation et / ou protagoniste… brillant…
La bande son est efficace, les génériques sont sympathiques et servent la série avec brio.

Les protagonistes sont nombreux mais ont tous une place justifiée.
– L’autrice de contes Ko Moon-young (incarnée par Seo Yea-ji), représente l’anti-princesse par excellence, l’air de rien, il faut du talent pour incarner un personnage extrême à ce point, l’actrice joue avec justesse ce personnage que l’on prend plaisir à voir évoluer au fil de la série.
– L’aide soignant et petit frère de Sang Tae, Moon Gang-tae (incarné par Kim Soo-hyun), sur de nombreux épisodes c’est un personnage tout en silence et en subtilité, peu d’explosivité au départ mais toujours beaucoup d’émotion, l’épisode 9 présente une interprétation de la crise de Sang Tae juste parfaite.
– Moon Sang-tae, outre le fait que ce personnage autiste offre à l’intrigue une multitude d’occasions d’explorer la psychologie, il est le personnage autour duquel le contexte émotionnel tourne le plus en créant des imprévus, du lien, de l’interaction, de la drôlerie et des crises, de très nombreux moments forts sont supportés par le talent de l’acteur, et clairement quand je parle de talent, je parle d’un vrai grand talent d’interprétation.
– Le docteur de l’hôpital psychiatrique OK, Oh Ji-wang (incarné par Kim Chang-wan), joyeux clown qui ne fait pas sérieux mais cache, sous des apparences nonchalantes, une finesse et une intelligence qui font mouche. Là encore la qualité du jeu de l’acteur est brillante.
– L’éditeur, Lee Sang-in, (incarné par Kim Joo-hun) c’est le rôle pitre de la série, en duo le plus souvent avec son assistante, il apporte humour et légèreté dans la série, pateau et malchanceux, il a l’air inconséquent et intéressé mais, pourtant, il révèle sa vraie nature sur la fin de la série…

Il y a bien d’autres personnages secondaires intéressants mais il serait trop exhaustif d’en faire le tour… mais tous apportent quelque chose à la série. Si parfois on peut penser que la série en présente trop, sur le dénouement on comprend le pourquoi du comment de ces interludes. Cette série est conçu comme un puzzle et chaque pièce à son rôle à jouer.

L’univers du conte est le fil rouge de la série, la majorité des épisodes portent un titre qui s’inspire d’un conte ou d’une histoire connue. Le conte est donc la trame à plusieurs niveaux.

D’abord, à travers ceux que l’autrice de livres pour enfant Ko Moon-young écrit, ils sont creepy, contestés, et permettent à la série d’inclure l’esthétique burtonnienne. Il donne lieu à l’inclusion de passages animés qui ajoutent une touche poétique et teintée d’émotion et d’innocence perdue.
Ensuite au travers des histoires auxquelles les protagonistes principaux font mention, c’est vrai pour Ko Moon-young bien sûr mais également pour Sang Tae, le frère aîné de la fratrie Moon qui a des troubles autistiques et Gang Tae qui partage son temps entre ses patients à l’hôpital et son frère.
Dans cette série, le conte fait son office comme porteur de morale, déclencheur d’une réflexion philosophique ou encore comme vecteur de compréhension et de décryptage de la société et du comportement humain. En utilisant ce format de récit dans la série, le fait que certains protagonistes sont encore quelque part des enfants qui n’ont pas grandi complètement à cause de leurs traumatismes respectifs est souligné. Et, bien sûr, ce n’est pas mis en avant gratuitement, la psychologie de l’enfant traumatisé est décryptée, détricotée, de là à y voir plusieurs messages sous-jacents, il n’y a qu’un pas mais, là, chacun y percevra ce qu’il souhaite ou ce qu’il peut… Tout ça pour dire que le conte est brillamment utilisé, et, comme dans la vie, il accompagne l’enfant dans son évolution et sa structuration en parlant de ses peurs, de ses blessures, de la société et de comment trouver une voie pour évoluer au milieu de tout ça. C’est vraiment une caractéristique de la série que j’ai adoré.

J’ai également été heureuse de trouver l’éloge de la différence. L’aborder comme quelque chose de positif, qui rend chaque être unique, qui n’est pas voué à isoler mais à faire regarder le monde différemment, à s’ouvrir plutôt que s’enfermer en passant d’abord par l’acceptation de soi, est un message qui me tient beaucoup à coeur. Ce dernier est fondamentalement l’objet de mon travail, je ne pouvais donc qu’apprécier…

Et puis, bien sûr, j’ai aimé que cette série aborde autant l’aspect psychologique qu’émotionnel, souvent les deux sont abordés séparément ce qui est, de mon point de vue, un non sens absolu. Cette série évite donc l’écueil de tomber dans des banalités psychologiques et ça fait vraiment super plaisir à voir…
C’est une série qui respecte les codes tout en les cassant, plus on avance dans la série plus les blessures émotionnelles et les traumatismes sont détricotés, de très nombreuses thématiques sont abordées : la violence parentale physique et morale, la violence conjugale, l’addiction, les maladies mentales, les traumatismes et encore bien d’autres. Bien loin de l’idée de banaliser les traumatismes de chacun, elle met en valeur les fractures de chaque individu et leurs mécanismes de défense… Elle ne pointe pas du doigt le déficient, le différent, elle encourage chacun à trouver sa place à sa manière en acceptant leur vrai soi, elle souligne que chaque individu a des richesses à offrir au monde, c’est une série qui encourage l’inclusion et l’empathie pour comprendre le pourquoi et le comment des comportements, c’est une série émouvante, profonde, qui fait réfléchir et ressentir et, ce, jusqu’au dernier épisode…

Alors, bien sûr, il faut aimer l’esthétisme coréen, avec les longues pauses, face à face, les yeux dans les yeux, ou encore les cheveux au vent, mais ça vaut vraiment la peine de passer sur ça pour aller voir les messages sous-jacents et surtout admirer la finesse de jeu des acteurs qui sont bluffants…

Je pense que je pourrai aisément en parler pendant des heures, alors je vais juste vous conseiller de la regarder, c’est vraiment une belle série, émouvante et drôle, qui arrive à nous tirer une petite larme parfois, elle est profonde et comporte plusieurs niveaux de réflexion, comme je le disais au début, c’est une série à tiroirs. Une belle surprise malgré les conventions visuelles d’une série coréenne. Foncez, c’est un petit bijou…

Sinon, comme l’indiquait L’imaginaerum de Symphonie sur Sweet Home, il y a en ce moment d’excellentes productions étrangères à découvrir notamment sur Netflix et notamment coréennes, je vous recommande également :
Sweet Home (Corée)
Alice in borderland (Japon)
Le dernier train pour Busan (Corée)
#alive (Corée)
et bien d’autres à découvrir 😉