Retour de lecture pour : Histoires de fantômes du Japon, Benjamin Lacombe

Certains de mes retours de lecture peuvent présenter des éléments d’intrigues.


Retour de lecture : 
Je ne connais pas l’auteur que tout le monde semble déjà apprécier, c’est donc une totale découverte pour moi. Il a donc repris les écrits de Lafcadio Hearn pour les illustrer et je dois dire que la mise en valeur est plus que réussie.

Le fantastique est trop proche des japonais pour qu’ils s’embarrassent du cérémonial mystérieux et insidieux destiné à intimider les Occidentaux et à mettre en condition des imaginations trop cartésiennes. La mort elle-même s’est dépouillée des atours sinistres et effrayants dont elle se revêt en Occident pour se muer en un intercesseur familier disposé à entrouvrir les portes de l’au-delà aussi volontiers dans un sens que dans l’autre.

Commençons par le livre en tant qu’objet, c’est un pur bijou, la couverture mi-cartonnée mi-tissée avec incrémentation d’une jolie police métallique est du plus bel effet et je vous garantie que dans la bibliothèque c’est super classe !

L’intérieur est tout aussi beau avec ses pages en calque illustrées au début et à la fin et toutes les pages illustrées dans ce beau papier glacé, c’est vraiment une petite merveille pour les yeux mais également au toucher. J’aime les utilisations de plusieurs matières et types de papier, ce livre est in fine une expérience sensitive bien pensée et très agréable.

Cette faculté d’enfanter des prodiges accordés au papier, à la toile, à la soie ne fait que refléter l’organisation d’une civilisation où ces matériaux fragiles jouent le rôle privilégié que l’art européen réserve avec emphase à des matériaux « nobles » : pierre ou métal. De même, l’environnement topographique et ses ressources en matières premières expliquent le manque de solennité qui caractérise les vampires japonais.
Dans un pays où le bois ou le carton et le papier entrent dans l’habitat le plus souvent que la pierre, où le relief ignore les chaînes montagneuses et vallées encaissées, les émules du comte Dracula ne sauraient habiter des châteaux compliqués agrippés à des roches menaçantes : comme le Vampire au fond des eaux, ils se contentent en toute simplicité de l’abri que leur offre la nature. Abri banal et rassurant qui rend leur intervention d’autant plus surprenante.
L’aspect champêtre, floréal des cimetières, la simplicité des édifices religieux environnées de jardins au lieu de la solennité mélancolique et monumentale qui les caractérise en occident, l’architecture sans mystère des demeures japonaises, la dédramatisation de la mort dépouillée de la légende sinistre et du rôle répressif que lui prête le christianisme : autant de circonstances qui expliquent l’intrusion des fantômes dans l’univers familier des vivants et l’intimité que très souvent ils entretiennent avec eux.

Côté contenu, les histoires sont parmi les plus connues et agréablement relatées, elles font voyager dans le folklore japonais et les illustrations complètes parfaitement les récits.
C’est un régal.

Ce qui est dommage et, pourtant compréhensible vu le temps attaché à rendre ce livre beau, c’est le peu d’histoires contenues dans cet ouvrage. Une dizaine seulement, si donc votre principal intérêt est un contenu informatif, il vous faudra vous tourner vers un ouvrage plus complet et moins axé esthétique.

Le bonus dans cet ouvrage, c’est la présence de quelques jeux de Yôkai en fin d’ouvrage, on ne peut qu’apprécier le bonheur de prolonger ce bain dans le mysticisme japonais.

Pour conclure, je dirai que c’est un superbe livre-objet qui fait appel à tous nos sens et dont le contenu est une émerveillement et un voyage. Je le recommande pour les amoureux de beaux livres et de légendes japonaises. j’attaque avec empressement et gourmandise sa suite Esprits et Créatures du Japon.

Ma note finale est un 16/20

Disponible ici ou ici


Pour aller plus loin…

4e de couv. : Fasciné par le Japon – son art, sa culture et ses paysages – depuis ses plus tendres années, Benjamin Lacombe a souhaité illustrer Fantômes du Japon, un recueil d’histoires imprégnées du folklore japonais, recueillies par Lafcadio Hearn. Cet écrivain irlandais a été l’un des premiers occidentaux à obtenir la nationalité japonaise. Il est connu pour avoir sillonné les provinces de ce pays, recueilli et mis par écrit les contes et légendes de fantômes japonais. Pour cet ouvrage, Benjamin a choisi d’illustrer un panel de bestiaire large et diversifié ; une diversité qu’il était essentiel pour lui de laisser transparaître dans un traitement graphique différent pour chaque histoire. En fin de livre, la création de jeux, inspirés de jeux anciens, offre la possibilité de raconter sa propre légende de yôkai. Un hommage de toute splendeur, au ton juste.


L’auteur : Né à Paris en 1982, est l’un des représentants phares de la nouvelle illustration française. En 2001, il entre à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (ENSAD), et signe à dix-neuf ans sa première BD. Son projet de fin d’études, Cerise Griotte, est son premier livre qui paraît aux éditions du Seuil, en 2006. Il est publié l’année suivante par Walker Books (États-Unis), et sélectionné par le Time Magazine comme l’un des dix meilleurs livres jeunesse de l’année. Depuis, Benjamin a écrit et illustré une trentaine d’ouvrages, vendus à plus de trois millions d’exemplaires à travers le monde. Il expose son travail en galerie et travaille notamment avec Ad Hoc Art (New York), Dorothy Circus (Rome), Maruzen (Tokyo) et la Galerie Daniel Maghen (Paris).


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