Retour de lecture pour : Clément Coudpel contre les spectres de Samain, Manon D’Ombremont

Certains de mes retours de lecture peuvent présenter des éléments d’intrigues.


Retour de lecture : 

Deuxième lecture dans le cadre du PIF 2021.

Manon, c’est un peu une dealeuse de livres, son blog est addictif tant on y trouve de bonnes références. J’avais donc envie de découvrir sa plume et son univers et, forcément, j’ai choisi de commencer par celui-ci parce que, quand on me parle de Samain, j’ai les yeux qui brillent… Malheureusement, j’ai commencé ce livre l’année dernière juste au moment où toutes les annulations de marché sont tombées et j’ai dû interrompre ma lecture au premier tiers… J’ai donc repris celle-ci du début pour ne pas lui porter préjudice et quoi de mieux que le PIF pour ce faire.

J’ai adoré découvrir la plume de Manon dans le cadre de ce roman, je la savais déjà fluide et capable de transmettre tout autant réflexion qu’émotion puisque son blog me donne régulièrement envie d’ajouter des livres à ma PAL. Ce roman confirme son talent à formuler les choses de façon à ce qu’on se les approprie et ça ce n’est pas le talent de Monsieur ou Madame tout le monde, je vous l’assure. C’est en fait une écriture empathique qui propose ce qui va faire réagir le lecteur, elle permet de s’identifier ou, à tout le moins, de se sentir concerné grâce à sa contemporanéité, son langage courant et aux et multiples références culturelles qu’elle véhicule.

La narration est fluide, on sent bien que l’autrice sait où elle nous emmène, il n’y a plus qu’à se laisser entraîner et à profiter de cette aventure oscillant entre drame et drôlerie.

Sa plus grande préoccupation, dans la vie, ça devrait être de terminer le dernier raid de Battle for Azeroth, de monter son classement sur League of Legends ou de réussir son année sans échec, sauf en gym à la rigueur.
Pas d’empêcher les mondes de s’effondrer une fois par an avec une pelle magique parce qu’une de ses ancêtres, il y a des siècles, a déconné.
Ouais, une pelle magique. Rien que ce détail tue tout le sérieux de l’entreprise.

Ce qui est étonnant dans son roman, c’est qu’il y a très peu de personnages et que dans le peu de personnages présentés, nous avons finalement très très peu d’informations sur eux exceptés sur Clément, le héros, Takeshi son meilleur ami, un petit peu sur Katel et un brin sur Camille et les autres. Autant dire que ce roman a une aura de mystère bienvenue. L’un des ingrédients qui fait que nous tournons les pages, c’est que nous voulons savoir qui, quoi, comment, pourquoi, quel passé… Le moins que l’on puisse dire c’est que c’est un choix qui fonctionne.

Clément, le protagoniste principal, héros très ordinaire, par les yeux de qui nous progressons dans l’histoire et par qui nous découvrons les autres personnages, est un garçon de 13 ans que j’ai trouvé attendrissant plus qu’attachant. Voulu ou non, j’ai trouvé qu’il était présenté de façon à ce qu’on entre dans sa tête pour avoir envie de le materner plutôt que de s’identifier à lui. Son innocence face aux événements et aux machinations des adultes y est pour beaucoup. Cependant, pour un lectorat plus jeune, je pense que l’attachement et l’identification peut se faire sans problème. J’aime que l’autrice nous propose un regard pur sur les incohérences humaines, ce processus nous ramène à des questionnements de base que nous avons tous eu un jour et que nous avons parfois oublié en grandissant ou tout du moins mis de côté pour vivre dans une sorte de compromis histoire d’accepter la réalité de ce monde.

Takeshi, au contraire du jeune Coudpel, est un protagoniste attachant dans la fidélité qu’il montre pour Clément et l’enthousiasme et le courage qu’il démontre envers l’univers de son meilleur ami. Plus fort que Ron Wisley, il est l’ami qu’on aurait rêvé d’avoir à 13 ans…

Mention spéciale, que certainement beaucoup de lecteurs ont et auront, à Coudmou bien sûr, avouons qu’il est le héros doudou du livre, le produit dérivé idéal issu du roman. Qui need cruellement une peluche à son effigie ? Levez la main ? Moiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ^^

Katel est un personnage complexe et hyper attachant, curieusement, il parle peu, intervient peu, mais je trouve que les perceptions qu’ont les autres protagonistes de lui, lui confère une aura et un charisme qui donne envie de lire son histoire (Manon si tu me lis ???? hein ??? hein??? dis hein ???). C’est contre toute attente, mon personnage préféré, j’aime sa nostalgie et sa fragilité.

L’univers fantastique est un des aspects du roman que j’ai adoré, l’univers construit est à la fois traditionnel et original, nous retrouvons l’héritage familial et communautaire assez commun aux univers magiques mais le système de magie comporte des éléments qui sortent de l’ordinaire, certains amènent une touche légèreté et de drôlerie, comme la pelle, et d’autres sont tout simplement agréablement surprenant comme Katel et sa nature, comme Coudmou, ou comme encore le fonctionnement du cimetière, etc… C’est vraiment une belle surprise de voir que de jeunes auteurs arrivent encore à nous proposer des concepts originaux.

Au-delà de l’aspect ultra récréatif de cette lecture, la réflexion n’en est pas moins présente. Ainsi nous pouvons trouver une réflexion sur le racisme, sur la place de l’individu dans la communauté, le fardeau de l’héritage familial, la marginalisation et le harcèlement, la solitude, le coût de la liberté et le poids du déterminisme. Autant de réflexions traitées par le prisme de la psyché d’un ado de 13 ans donc fait avec beaucoup d’innocence et de naïveté et c’est juste tellement joli et rafraîchissant à lire…

J’ai adoré le clin d’œil au sexisme ordinaire, ce court passage a tout du message fluorescent, clignotant en gros, gras avec plein de warning qui dit « Attention message important, lis bien surtout, c’est important, il y a quelque chose à apprendre ». Autrement dit on voit le processus d’écriture dans ce cours passage mais j’avoue qu’il m’a tellement fait plaisir que j’ai ri de bon cœur…

Pour son meilleur ami, ce monde est complètement nouveau, excitant. Au fond, ils vivent presque un scénario de manga, en ce moment. Reste à définir si ça se terminera en shônen ou en seinen. Au moins, y’a pas de risques pour le shojo.

Ce qui m’amène à parler de mes bémols.

Le premier rejoint ce que je viens de dire précédemment, parfois, on voit le processus d’écriture. Si, globalement, l’écriture de l’autrice est fluide, certains messages sont présentés avec trop de mise en valeur au point que ça ne paraît pas naturel et que l’on sent qu’elle voulait absolument le faire, que c’était important de préciser ou de glisser le message. Je pense que c’est quelque chose qui s’améliorera avec le temps et en se détachant émotionnellement de ces sujets pour les faire propres à ses personnages.

Autre bémol qui n’en est pas un. Paradoxalement, une des grandes qualités de ce roman à savoir son caractère ultra contemporain avec moult références culturelles de quelques tranches générationnelles est également un défaut. Pas un défaut à la lecture pour le lecteur d’aujourd’hui, c’est un défaut qui ne va se voir que dans le temps, il fera vieillir l’oeuvre bien plus rapidement que d’autres. Pourquoi je dis ça ? Et bien, je vais prendre mon exemple personnel, j’ai la quarantaine, j’ai été gameuse entre mes 25 et 35 ans, principalement sur WoW et GW et vous savez quoi ? Et bien j’ai pris un coup de vieux en m’apercevant que le langage in game avait bien évolué depuis… J’ai été bien contente de trouver certaines notes de bas de page.
Tout ça pour dire que la qualité d’aujourd’hui sera le défaut de demain, ce n’est pas un mal en soi, il faut aussi savoir écrire pour le présent mais, hélas, je crains que cela enlève une certaine pérennité à l’oeuvre.

La fin est un autre de mes bémols, elle est surprenante à souhait mais on passe de façon bien trop rapidement sur certains éléments notamment Célestin.
Je m’attendais à une fin brutale vu les pages qui diminuaient mais j’aurai souhaité plus de détails, ça n’aurait fait que mettre le choc en valeur et lui aurait donné plus de poids encore. Là je suis restée quelque peu sur ma faim, le peu d’explications données ne m’a pas suffit.

Dernier bémol, pour qui a été écrit ce roman ? On pourrait dire d’emblée qu’il a été écrit pour un public jeune et, pourtant, plusieurs fois à la lecture, j’ai levé le nez en me demandant si c’était vraiment la cible. Ma perception de Clément y est pour beaucoup mais quelques détails disséminés par-ci, par-là viennent rejoindre cette réflexion. J’en garde un peu le sentiment des Rouge de Caussarieu, où, même si le talent de l’autrice permet de se plier à l’exercice, on sent que ce n’est pas si naturel que ça et que ça déborde vers un roman adulte. Ce n’est pas un détail qui m’a gêné à la lecture, par contre, je me suis réellement posée la question plusieurs fois.

Voilà, certains bémols ne sont pas de vrais défauts mais plutôt des pistes d’amélioration, oui, je suis une lectrice tatillonne…

Il se demande quand même pourquoi cette cette charge lui tombe dessus. Il vit en Belgique, pas aux Etats-unis ! Dans un village paumé, en plus, que la plupart des gens ne connaissent même pas s’ils ne viennent pas du coin.
Depuis quand la fin du monde commence à Hermalle-sous-Argenteau, sérieux ?
Dans le genre pas de bol…

En conclusion, nous avons ici un roman fantastique récréatif à la fois drôle et dramatique qui s’inscrit parfaitement dans l’univers geek/otaku ultra-contemporain. C’est un vivier à références culturelles issues des jeux vidéos, des séries TV et anime et des mangas qui visera plus particulièrement les générations actuelles X et Y.

La plume de Manon d’Ombremont vaut le détour, l’univers de cette autrice est riche et inspirant, elle propose réflexions et valeurs tout au long des aventures de Clément et Takeshi faisant de cette oeuvre une excellente lecture qui a du relief et de la densité. Elle a su proposer des concepts magiques originaux très rafraîchissants. Je ne saurai donc que trop vous conseiller ce roman. Il est certain que je vais suivre cette autrice et son évolution.
La grande question, maintenant, est, à quand la suite ? ^^

Ma note finale est donc un 15/20

Disponible ici ou ici


Pour aller plus loin…

4e de couv. : Clément Coudpel porte un nom de famille un peu étrange, il l’admet.
En dehors de ça, il se considère comme n’importe quel garçon de treize ans : il aime les mangas, les jeux vidéo et traîner avec son meilleur ami, Takeshi, dans leur petit village liégeois.
Ce qu’il veut dans la vie ? Aucune idée ! Mais une chose est sûre, il n’embrassera pas la malédiction familiale.
La magie, les cimetières, les macrales, les fantômes, très peu pour lui.
Et toute la pression qu’il subit au quotidien n’y changera rien, peu importe à quel point ses détracteurs vont loin.
Il laisse ça à son aînée, Camille, qui s’en sort comme une cheffe.
Sauf que quand cette dernière disparaît à quelques jours de Samain, Clément craint de ne plus avoir le choix…


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