Certains de mes retours de lecture peuvent présenter des éléments d’intrigues.


Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov
Lu par Pierre-François Garel, temps : 16h52 d’écoute

Résumé : Chef-d’œuvre de la littérature russe, livre culte à travers le monde, Le Maître et Marguerite dénonce dans un rire féroce les pouvoirs autoritaires, les veules qui s’en accommodent, les artistes complaisants, l’absence imbécile de doute. Moscou, années 1930, le stalinisme est tout puissant, l’austérité ronge la vie et les âmes, les artistes sont devenus serviles et l’athéisme est proclamé par l’État.

C’est dans ce contexte que le diable décide d’apparaître et de semer la pagaille bouleversant les notions de bien, de mal, de vrai, de faux, jusqu’à rendre fou ceux qu’il croise. André Markowicz, qui en retraduisant les œuvres de Fiodor Dostoïevski leur a rendu toute leur force, s’attaque à un monument littéraire et nous restitue sa cruauté première, son souffle romanesque, son universalité.

Mon retour : Ce roman est une recommandation de mon collègue avec qui nous nous échangeons des titres. Je dois bien avouer que je suis un peu traumatisée par la littérature russe depuis la fac, la faute à Gogol ou au prof qui me l’a fait détester…

Bref, tout ça pour dire que je partais avec des valises entières d’a priori et que je pensais sincèrement ne pas aimer… Pour tout vous dire, les premières minutes du début avec les deux premiers protagonistes qui parlent sur un banc m’ont fait me dire que si c’était comme ça tout du long, j’allais mourir d’ennui avant de pouvoir le terminer… Et puis, là, est arrivé le 3e protagoniste et la magie a opéré, l’envoûtement pour ce roman a débuté et je me suis littéralement laissée happer par ce récit drôle, farfelu, étrange qui nous ballade de mort en asile psychiatrique, de milieux mondains en spectacle de magie en passant par la crucifixion du Christ, si, si ! Et le tout sans savoir où on nous emmène exactement. Un conseil de lecture/écoute, ne soyez pas dans la maîtrise mais dans l’accueil, ce roman n’en sera que plus drôle et plus jouissif…

Je dois bien vous avouer que j’ai rencontré une difficulté technique lors de cette écoute, j’ai eu un mal fou à retenir les noms russes, mais si cela m’a perturbé au début, j’ai toujours pu me resituer grâce au contexte de l’histoire. Je le mentionne parce que j’imagine que je ne dois pas être la seule à galérer avec les noms à consonance russes.

Le récit se décompose en deux parties principales, la première nous ballade au gré des caprices du diable et de ses diableries, la deuxième nous invite dans l’histoire d’amour malheureuse de Marguerite et du Maître et, en trame de fond des deux parties, se dessinent l’histoire de la crucifixion du Christ et de Ponce Pilate.
Le tout donne un cocktail osé, terriblement original, qui semble partir dans tous les sens sans jamais nous donner une finalité et pourtant il y en a une de finalité, je parle bien sûr de la dénonciation du pouvoir et des citoyens délateurs qui se satisfont de se prendre pour des pseudo justiciers.
Il paraît que l’écrivain a mis douze années à écrire ce roman. Je vous assure qu’à la lecture, ou à l’écoute, on se rend compte du travail que cela a pu demander en amont. Ce roman est impressionnant, de drôlerie bien sûr, d’audace ensuite, il se distingue par sa parfaite construction temporelle autant que spatiale. Les descriptions sont criantes de réalisme, elles sont portées par un langage qui se veut soutenu pour la forme mais n’en demeure pas moins taquin et autorise le narrateur à jouer avec son lecteur tantôt en s’adressant à lui, tantôt en feignant une sincérité emprunte d’une exagérée bienséance. La prose de l’auteur vaut le détour, je pense qu’on peut l’affirmer même s’il s’agit là d’une traduction.

Le jeu de l’acteur est encore une fois impeccable et donne vie à une multitude bariolée qui s’agite en tout sens. Le personnage le plus apaisé apparaît être le diable lui-même, un diable loin de l’image que l’on s’en ferait, un peu blasé sur les bords, donnant à loisir récompenses ou cadeaux empoisonnés menant de préférence à la folie ou à la mort. Dans ce monde, tout à la fois rigide et froid, et pourtant fantasque, la farandole maléfique nous entraine dans sa foulée rythmée à coup de chat qui parle, de sorcière volant sur des balais et d’écrivains plus ou moins ratés quand on ne tombe pas tout bonnement sur des groupuscules d’esprits aimant s’écouter parler autant qu’ils sont prompts à se trahir. Tous sont incarnés à la perfection par un acteur qui prend visiblement plaisir à embrayer sur ce que l’auteur leur donne de caractères et de manières. Je ne peux que rester admirative devant tant de virtuosité et de talent, rappelons tout de même que seul la voix donne vie aux personnages et que contrairement au cinéma ou au théâtre, il n’y a point de mimiques de visage, de jeux de regards et autres langage corporel. Et bien croyez-le ou non mais on est pourtant persuadé de les avoir vu tout de même, c’est que là que réside toute la magie et tout le talent des acteurs d’audiolivres…

Si j’ai vraiment aimé me faire balader tout au long de cette sarabande diaboliquement drôle, j’ai été déçue par une fin qui n’a pas su être à la hauteur de cet ambitieux roman ; elle sent l’artifice et n’a rien de vraiment satisfaisant, elle est même un peu poussive, mais il fallait bien conclure et, il était difficile de donner une fin à un tel roman, j’en conviens aisément.

En conclusion : Un roman sous l’égide du diable, ambitieux, original, presque arrogant, ce roman est une pépite d’humour acerbe, c’est une farandole diabolique audacieuse qui nous invite à la suivre sans se poser de question et simplement à accueillir ce récit et ses dénonciations. Si les derniers chapitres n’ont pas l’attraction magnétique du reste du roman, il n’en demeure pas moins que je vous invite vivement à découvrir cet ovni littéraire, indéniablement, il vaut le détour !
Notation : 16/20

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