Retour de lecture pour : Diabolus in musica de Céline Rosenheim

Certains de mes retours de lecture peuvent présenter des éléments d’intrigues.


Retour de lecture : 

Ce court roman terreur fait partie de la collection Griffe sombre des excellentes Editions du Chat Noir.

La plume de l’autrice est d’une telle efficacité qu’en quelques phrases nous sommes déjà embarqués dans le psychisme du protagoniste principal, Yann. Elle décrit la solitude et l’angoisse des bains de foule avec brio et met en avant le paradoxe d’aimer tout en ayant peur du contact avec une rare subtilité.

Ce court roman nous plonge dans la terreur mais il est construit de façon à ce que ce ne soit pas tant les évènements qui nous effraient que les ressentis et les pressentis de Yann. De boucles émotionnelles en vagues émotionnelles, le lecteur baigne dans un flux non stop d’émotions diverses et variées qui nous entraîne et nous rejette au rythme de sa marée émotionnelle et des flux et reflux de ses sentiments contradictoires.

Ajoutez à cela une belle immersion dans le black metal avec tout ce que ce thème permet de jeu terrifique et cela offre une lecture entraînante et agréable.

Je crois que j’aspire à un temps révolu, lorsque la nature n’était pas encore lacérée par les griffes de notre orgueil. Peut-être ce monde-là n’a-t-il jamais existé. Il me semble que, dès les prémices de son histoire, l’Homme a voulu s’imposer au mépris de tout. Mais pourquoi dis-je notre orgueil ? Je ne me reconnais pas dans ce chaos de béton que certains nomment progrès. Une fuite en avant, voilà ce à quoi je résumerais le cheminement humain.

L’aspect terreur est bien mené, il prend vie par touches énigmatiques puis en se concrétisant en conséquences physiques et mentales sur les personnages du roman.
C’est un court roman d’à peine 150 pages donc il faut prendre en compte que la situation évolue rapidement mais le tout est fait dans la cohérence excepté un point dont je reparlerais plus tard.

J’ai aimé le message à peine déguisé qui prend la défense d’un genre musical qui est souvent honni par les biens pensants oubliant ainsi que chacun est responsable de soi-même et qu’aucune musique n’incite à rien, elle exprime seulement parfois un mal être dans lequel on peut se reconnaître. Même si certains modèles sont douteux, il serait injuste de les accabler des choix et des malheurs individuels qui ne font finalement que se perdre dans leur propre abyme.

Cependant, je regrette que l’autrice, qui avait si bien su décrire l’anxiété sociale de Yann, l’oublie quasiment en cours de route. C’est l’élément principal du début du roman et puis comme par miracle elle n’entrave presque plus le protagoniste principal dans ses interactions et ses mouvements au milieu de l’intrigue. C’est bien dommage d’avoir cassé son propre effet, ça l’est d’autant plus que ça aurait amené un vrai plus à l’intrigue la rendant plus dense. C’est vraiment le seul bémol que je peux avoir.

Autre élément que j’ai regretté un peu, c’est d’avoir donné corps aux créatures. C’était parfait d’avoir des présences intangibles et, dès lors qu’elles ont eu un corps, j’ai eu la sensation d’avoir une version édulcorées des détraqueurs de Harry Potter… cependant, il faut bien que je nuance mon propos parce que la fin donne une raison à cet aspect. Il s’agit donc là avant tout d’un avis très personnel, parce qu’avec tous les terreurs que je lis, je trouve juste plus efficace d’avoir soit une menace intangible soit une bestiaire complet.

Et l’on revient toujours au même sujet : la musique. C’est le langage des gens qui, comme moi, sont un peu autistes sans vouloir l’admettre, de ceux qui vivent au-dedans plutôt qu’au-dehors et qui remarquent à peine les êtres qui évoluent à la périphérie de leur monde.

Malgré ce bémol et cette préférence toute personnelle, je dois dire que ce roman aussi court soit-il a un sacré atout, celui d’avoir une fin, une vraie, une travaillée comme il faut, de façon à ce qu’à aucun moment on ne reste sur sa faim en refermant le livre. La fin, c’est souvent un reproche que je fais à la grande majorité des romans, souvent trop rapide souvent déséquilibrée, c’est difficile de faire une vraie bonne fin à un roman, ça l’est d’autant plus dans un roman court et j’aurai compris ici qu’en 150 pages l’autrice ait fait vite mais j’ai, au contraire, été très très agréablement surprise par une fin bien structurée, une fin qui prend le temps de bien clôturer évènements et sentiments. C’est donc, selon moi, un très gros point fort de ce roman.

En conclusion, nous avons ici un roman terreur qui, bien que bref, a de très gros atouts : son univers musical baignant dans le black métal, la plume de l’autrice qui vaut largement le détour et qui surtout donne envie de la suivre, une intrigue basée sur les émotions et les ressentis, une fin vraiment bien travaillée, c’est assez rare pour le souligner. J’aurai tendance à dire qu’il a les maladresses d’un premier roman, il n’en reste pas moins une agréable lecture dans un univers mélancolique et triste qui parle surtout de la détresse humaine.

Ma note finale est donc un 13/20

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Pour aller plus loin…

4e de couv. : Yann est un être solitaire pour qui seule la musique compte, ses projets Sjel et Totentanz représentent tout son univers. Si sa timidité et son esprit rêveur ont toujours suscité l’incompréhension et le rejet, le jeune homme sait aussi que ce caractère a forgé sa créativité. Aujourd’hui, alors que les ombres menacent, sa différence pourrait être un don encore plus précieux, bien au-delà de son talent musical, car Yann perçoit une présence qui plane autour de la scène black metal, une aura maléfique qui pourrait bien anéantir l’inspiration et la vie des musiciens.

J’ai toujours préféré le mode mineur, plus mélancolique. On dit qu’il est le mode de la nostalgie et c’est une humeur qui me correspond. Je voudrais commencer mon récit par une note de musique et je crois que ce livre s’écrira en sol mineur.


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