Retour de lecture pour : La Meute Hurlante Tome 2, Serge Brussolo

Certains de mes retours de lecture peuvent présenter des éléments d’intrigues.


Retour de lecture : 

Sixième livre dans le cadre du PIF 2020.

Le premier tome s’était terminé en suspend et voilà que le deuxième démarre sur les chapeaux de roues sur une note dramatique, le ton et l’intrigue de ce volume sont vraiment très différents du début du premier. D’emblée le pivot de ce livre est annoncé, le trio de personnages, leur psychologie, leurs émotions et leurs liens sont le centre de ce roman…

Pour replacer l’action, Ito et Yuki, qui ne sont que l’ombre d’eux-mêmes, se sont échappés in extremis de l’onsen, le « bébé » est né, ils fuient baignant dans une atmosphère de peur et un marasme émotionnel usants…

On retouve donc les personnages laissés à la fin du premier tome mais le protagoniste principal n’est autre que l’enfant hybride Akira, né des deux lycanthropes, un sauvageon qui tient plus de la bête que de l’humain tant dans la psyché que dans les attitudes. Son portrait est bien brossé globalement, j’ai beaucoup apprécié sa façon d’envisager le comportement humain d’un point de vue bestial qui n’appréhende pas les conventions sociales. Dans le cadre scolaire cependant, il y a une forme d’exagération du personnage qui le dessert plus qu’autre chose (une certaine histoire de boulier WTF ???!!!) ce passage n’a d’intérêt que pour sa relation à son institutrice… C’est d’autant plus regrettable que cet anti-héros est la source de la terreur parcourant ce deuxième tome, or l’exagération le fait tomber dans le ridicule et estompe, à mon sens, l’effet voulu. Fort heureusement ce n’est que passager et le reste du traitement de ce personnage reste cohérent et efficace.

Désormais il allait nu, de jour comme de nuit. Ses cheveux avent poussé et frôlaient ses épaules. Sa musculature avait quelque chose d’étrange, de non-humain, et sa pilosité ne cessait de s’étendre, couvrant ses bras et ses jambes d’une toison rêche d’un noir profond. Il était beau, mais d’une beauté monstrueuse qui faisait peur. »

J’ai été un peu déçue par le personnage de Yuki, elle n’avait pour rôle que celui d’être une matrice dans le premier tome, j’aurai souhaité qu’elle dépasse ce rôle pour devenir un personnage féminin transcendant la difficulté et la fatalité ou du moins un personnage conservant un soupçon d’instinct de survie mais non, elle reste indolente et négative comme dans le premier volume.  Je ne peux pas dire que ça desserve l’intrigue mais ça a tendance à rendre le personnage terne et parfois inintéressant (j’avoue avoir soupiré en voyant arriver certains passages dédiés à Yuki…).

Ito a perdu de sa superbe mais, même physiquement et psychologiquement vidé, son esprit fonctionne encore un minimum, son peu de dynamisme porte donc une partie de l’intrigue sur ses épaules, cette fragilité consciente aurait même tendance à le rendre attachant contrairement à Yuki qu’on verrait bien morte …

L’institutrice, quant à elle, joue un rôle antagoniste, à la fois captivante et malsaine, elle nourrit cette atmosphère de folie de façon efficace… On la déteste, mais on comprend son comportement autant qu’on le condamne, le flou des limites entre le bien et le mal est incarné en elle.

Mis à part Ito qui possède un capital sympathie, il n’y pas réellement de personnages aimables dans ce roman et c’est ça qui est assez fantastique, l’ambiance n’en est rendue que plus glauque et étouffante, c’est fort bien pensé.

Les exhalaisons corporelles de chacun le renseignaient sur l’état des corps, la qualité de leur viande. Les jeunes étaient plus tendres, plus juteux, mais les vieux avaient plus de goût, un fumet supérieur, et leur chair avait sous la dent la qualité de la couenne de lard bien fumée, ce qui n’était pas négligeable. »

Côté écriture, on ne retrouve pas le défaut du premier tome sur les termes étrangers, ici ils sont parfaitement inclus dans la narration, de fait, on profite davantage de l’écriture de Brussolo, toujours agréable et efficace au demeurant…

Encore une fois, j’ai apprécié sa façon de mélanger les genres, l’audace de ses concepts et les portraits psychologiques et émotionnels des personnages. Ce dernier point est la clé de voûte de ce volume puisqu’il y a peu d’action, l’intrigue a beau se passer dans un village, on évolue dans une forme de huis-clos étouffant, stressant et angoissant. L’ambiance est donc elle aussi au rendez-vous, on tourne les pages, on appréhende, on attend…

J’ai vu beaucoup de critiques négatives sur ce tome 2 mais, selon moi, il faut aussi accepter que l’auteur nous emmène sur un autre chemin que celui qu’on avait prévu ou anticipé, c’est ça aussi la magie de la lecture, accepter de s’aventurer en terrain inconnu et de découvrir des intrigues que l’on n’attendait pas. Du coup, je le dis j’ai passé un très bon moment avec ce deuxième tome, il est dans la continuité de la deuxième partie du tome 1 et toujours aussi divertissant, les idées de Brussolo sont toujours très originales, il ose et ça marche…
Le seul énorme défaut de ce tome est de nous laisser en suspend sans satisfaire notre curiosité avec un troisième tome qui n’existe pas…

Personne ne faisait attention aux débiles, et même on s’en détournait avec dégoût ; c’était un déguisement parfait »

En conclusion, un deuxième tome qui fonctionne, j’ai passé un très bon moment malgré ses quelques défauts, on retrouve les atouts du premier tome à savoir des portraits psychologiques et émotionnels travaillés, le mélange des genres, l’audace des concepts et une écriture qui pose l’ambiance avec justesse. Je déplore l’absence d’une suite qu’on ne peut qu’imaginer, c’est dommage j’en aurai bien redemandé…

Ma note finale est donc un 13/20

Disponible ici

Pour aller plus loin…

4e de couv. : La vie d’une famille de loups-garous n’est pas drôle tous les jours. Surtout lorsqu’elle doit, déménager sans cesse pour fuir les persécutions, la curiosité des voisins, et les harcèlements policiers. Etre loup-garou c’est avoir peur en permanence. Peur de tuer des innocents, peur d’assassiner ceux qu’on aime… Peur de voir ses enfants devenir plus sanguinaires qu’on ne l’est soi-même.
Trop sanguinaires. Au point qu’on commence à avoir peur d’eux, également… Le roman d’horreur revisité par un maître du thriller. Un conte cruel et fascinant sur la différence et la haine de l Autre.


L’ auteur : Né à Paris en 1951, Serge Brussolo écrit depuis son plus jeune âge. Ses premières tentatives de publication ont lieu dès sa douzième année… A sa sortie de faculté, après des études de lettres et de psychologie, il se lance dans la bataille de l’écriture, vivant dans des conditions précaires pour avoir le temps d’écrire ses premiers textes. Commence alors pour lui une formation à la manière des auteurs américains : métiers incongrus, hétéroclites, qui lui fourniront matière à l’études des milieux les plus disparates. Il lui faudra attendre 1978 pour que sa première nouvelle paraisse, qui sera aussitôt saluée par la critique (notamment par Bernard Pivot alors animateur de l’émission Apostrophe). Funnyway (Editions Denoël) sera en effet couronnée par le Grand Prix de la science-fiction française devenu aujourd’hui le Grand Prix de l’imaginaire.

D’autres prix littéraires ( onze ou douze à ce jour !) récompenseront ses nombreux romans fantastiques publiés dans les célèbres collections Présence du Futur et Anticipation, et qui conduiront la critique à voir en lui  » le Stephen King français « . Qualificatif réducteur, car, pour Brussolo, le fantastique ou la science-fiction ne sont que des prétextes, des clefs permettant d’accéder à un univers psychanalytique où règnent le trouble, l’obscur, l’inavoué. Il se souciera d’ailleurs peu d’observer les règles du genre et s’appliquera plutôt à les pervertir systématiquement au grand scandale des puristes.

Il donnera à Présence du Futur (Denoël) ses plus grands textes hallucinés, littérature visionnaire bourgeonnant au carrefour du baroque et du surréalisme. Ne s’interdisant rien, osant tout, Brussolo deviendra l’auteur qui fait scandale dans un milieu où robots et soucoupes volantes tiennent lieu de pantoufles. Pendant dix ans, il allumera les controverses, la haine et l’adulation la plus absolue. Tantôt voué au bûcher, tantôt hissé sur un piédestal.

A la fin des années 80 il se détourne momentanément du genre pour s’attaquer à la littérature générale et au roman historique. Quoi qu’il soit difficile d’appliquer des étiquettes à ses romans, chacune de ses oeuvres se déplaçant sur plusieurs genres à la fois. Auteur polyphonique, Brussolo est un mutant réconciliant les extrêmes, un maître expert en mélanges, à la manière des auteurs sud-américains toujours attentifs aux arrière-plans du réel, aux mythologies et au fantastique quotidien. Il est important de rappeler que par ses origines il est en partie Brésilien, et qu’il a baigné dans un univers folklorique issu de la selva.

Le prix RTL-LIRE lui est décerné en 1995 pour La Moisson d’hiver. Son entrée dans la collection FOLIO prouve qu’il est tout à fait à l’aise dans l’analyse psychologique et le roman d’atmosphère. Pour certains critiques, Brussolo se situe dans la grande tradition des auteurs populaires comme Simenon ou Frédéric Dard.
Conteur doué d’une imagination surprenante et d’un époustouflant sens de l’intrigue, il s’épanouit dans la littérature criminelle et trouve son inspiration dans les aberrations sociologiques de nos sociétés. Il a reçu le Prix du Roman d’Aventures en 1994 pour Le Chien de minuit paru au Masque et son roman Conan Lord, carnets secrets d’un cambrioleur a été élu Masque de l’année 1995. Ses thrillers explorent le suspense sous toutes ses formes, conciliant roman noir et énigme classique, thriller international et machinations savantes.

Aujourd’hui, de retour dans la collection FOLIO-SF pour laquelle il écrit désormais des textes inédits, il est revenu à ses premières amours.
La Société des Gens de Lettres lui a décerné le prix Paul Féval pour l’ensemble de son œuvre.


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